samedi 30 mai 2015

Appel en cours / Projet Paysage







 



    Quel est donc ce rapport pudique et si personnel que l’on entretient avec le paysage perçu depuis la fenêtre de sa chambre? Ce travail établit, illustre et questionne le lien intime entre un havre de paix, ce cocon rassurant et protecteur du quotidien, et cette fenêtre à travers laquelle se dessine un paysage, rural ou urbain, beau ou laid, étendu ou étouffant. Cette fenêtre est le premier degré de séparation avec l’extérieur, tout en étant son premier degré d’ouverture sur le monde du dehors. Cette ambivalence m’intéresse, pour ne pas dire qu’elle me fascine. Ledit point de vue, depuis la chambre, le bureau ou le salon, constitue le rapport le plus pur, le plus direct, le plus fron- tal, que l’on aie avec la notion de paysage. Paysage que l’on regarde sans voir, ou que l’on voit sans regarder, au quotidien. Celui qui nous fait face, auquel on fait face, tous les jours. Sans plus n’y prêter attention.
 Le logiciel Skype est mon médium pour faire parler de la beauté la plus primaire du paysage par la fenêtre. Je lance des appels, harcèle, vient et revient à la charge, j’insiste, donne rendez-vous, ou repousse des rendez-vous quand quelqu’un se désiste. 
 Je me fais chef opératrice de mes interlocuteurs. Derrière mon écran, derrière ma fenêtre Internet, qui elle aussi constitue une fenêtre sur le monde, j’orchestre, oriente, dirige. Je me sens toute-puissante, assoiffée de curiosité quasi-voyeuriste, animée par le désir de me familiariser avec ce paysage. Et par conséquent, avec la vie privée de mon correspondant.  Ainsi, c’est comme si j’entrais dans l’intimité de mon interlocuteur, comme si je péné- trais dans son espace d’individu, dans sa sphère privée, comme si j’étais avec lui dans sa chambre d’étudiant, où, assise à son bureau, je contemple à sa place le paysage par la fenêtre.
  Je me fais collectionneuse, voleuse de points de vue, je capte et archive écrits et images. Je crée une banque de paysages.